Le plan vélo voté en juin 2019, 4 jours après l’inauguration de la piste cyclable de la Corniche Kennedy s’étale sur une période de cinq ans, de 2019 à 2024 pour sa première phase. Il est censé changer la donne dans la pratique du vélo urbain comme mode de transport. Mais où en est-on à très exactement mi-étape de ce plan vélo ? Nous tentons de répondre à cette question.
Pour commencer que contient donc ce plan vélo ?Il se présente sous trois grands axes principaux avec 15 actions numérotées ci-dessous.
AXE 1 : Développer l’usage du vélo dans les trajets du quotidien avec 1. la création d’un réseau de lignes vélo sécurisées principales et 2. d’un réseau cyclable secondaire, 3. d’une offre de stationnement vélo sécurisé, 4. de services vélo en gare et 5. le développement de l’intermodalité.
AXE 2 : Favoriser l’accès au vélo au plus grand nombre avec 6. une aide à l’acquisition de vélo à assistance électrique, 7. un service de location de vélo longue, 8. une nouvelle offre de vélo en libre-service sur Marseille, 9, une action en faveur de l’éco-mobilité et 10. un dispositif partenarial de lutte contre le vol de vélo
AXE 3 : Renforcer l’attractivité du territoire et sécuriser l’usage du vélo avec 11. le développement du cyclotourisme, 12 la sensibilisation au partage de l’espace public
et l’encadrement des nouveaux services, 13. de nouvelles fonctionnalités vélo au sein de l’outil de mobilité métropolitain, 14. un guide technique des aménagements cyclables et enfin 15. le soutien aux activités des associations spécialisées.
Mode opératoire de l’observatoire du plan véloPour plus de clarté et de cohérence, nous décidons de classer différemment les différentes actions de 1 à 15.
Il est en effet fréquent de distinguer ces actions de la sorte :
• celles qui relèvent des infrastructures ;
• celles qui relèvent des services ;
• celles qui relèvent du changement des comportements ;
Nous nous concentrons essentiellement sur la partie marseillaise de ce plan vélo pour plusieurs raisons.
La première est que la réalisation d’infrastructure reste bien souvent une compétence réservée aux communes dans la nouvelle métropole (sauf pour Marseille et le conseil de territoire 1) et qu’il est donc difficile d’élaborer et de suivre un plan vélo sur cet aspect.
La deuxième est que l’état des avancées des infrastructures est comparable d’un territoire à l’autre.
La troisième est que pour un bon nombre des actions de type « services » ou « changement de comportement », la situation est stricto sensu la même à Marseille qu’ailleurs.
Enfin, nous ne comptabilisons que les avancées et toute action déjà terminée avant même le commencement du plan vélo ne sera pas comptabilisée (hormis la piste cyclable de la Corniche).
Au sujet des infrastructures véloCes infrastructures ne sont pas évoquées sous ce terme dans le plan vélo mais regroupe les actions 1, 2 et 3.
Pour l’action 1, et la création d’un réseau de lignes vélo structurantes, il faut bien comprendre que les 8 lignes prévues par la métropole ne sont pas forcément nouvelles.
Soit les lignes étaient déjà partiellement réalisées, comme c’est le cas le long du littoral à la joliette ou sur les plages du David et à pointe rouge pour la ligne 1 ou bien sur les plages du David et Saint-Loup pour la ligne 2 ou encore Luminy – Valmante – Prado – Castellane pour la ligne 3, etc.
Soit, la plupart de ces lignes vélos s’inscrivaient dans le cadre de projets qui avaient été étudiés et actés de longues dates avant l’adoption du plan vélo et ont depuis été réalisées avec par exemple le trio boulevard Sakakini, boulevard Jean Moulin, boulevard François Duparc pour la ligne 5 ou le cours Lieutaud pour la ligne 3 ou encore la piste cyclable de la Corniche.
Soit, ces lignes vélos sont inscrites dans d’autres projets qui restent à réaliser comme l’extension du tramway au nord et au sud.
On peut donc en conclure que pour grossir son plan vélo et ses actions la métropole a englobé dedans d’autres réalisations passées, présentes ou à venir mais pas forcément nouvelles.
Mais alors qu’y a t’il donc de neuf concrètement ?
Seulement deux réalisations sont pour le moment envisagées, mais ne sont encore qu’au stade de l’étude.
La première de ces réalisations, concerne la ligne 1 dite du Littoral, nommé ainsi depuis les premières revendications en sa faveur par votre association au début des années 2000 et qui ont débouché sur la réalisation de la piste cyclable de la Corniche. La métropole a en effet publié cet été un marché public pour la réalisation du tronçon entre Mourepiane et Arenc pour 5,5 km.
D’une part, il faut comprendre que réalisation veut dire avant tout réalisation d’études et qu’ainsi la réalisation physique viendra bien après. D’autre part, ce marché public se monte à 13, 5M d’euros ce qui pour 5,5 km d’aménagements cyclables donne le chiffre de 2,5M d’euros du kilomètre ce qui en fait la piste cyclable la plus chère de France. On ne va pas cracher dans la soupe, ni tirer sur l’ambulance, mais pourquoi donc des tarifs aussi cher ? Cette piste cyclable sera t’elle en marbre ? Va-t-on en profiter pour refaire la route des voitures et des camions avec l’argent destiné au vélo ?
La seconde réalisation, qui n’est pas non plus totalement nouvelle puisque la réflexion a débuté bien avant le plan vélo, concerne la ligne 2 le long de l’Huveaune. Si une petite partie est plus au moins déjà réalisé entre le parc Borély et Saint Marguerite, le reste constitue un long chantier qui n’est pas près de finir et certainement pas avant 2024 comme prévu, ni même 2030. La gestion du projet est confié à la SOLEAM et la métropole (après une première étude par la Ville de Marseille), qui n’ont toujours pas émis de consultation pour un marché public d’assistance à maîtrise d’ouvrage.
Si toutefois, on englobe les travaux déjà prévus avant le plan vélo, les réalisations de ces lignes structurantes s’élèvent à 2,7 km sur le jarret, 2,5 km sur la Corniche (bien que réalisée un peu avant) et plage des catalans, 2km sur le Boulevard Urbain sud, 1,4 km pour le Cours Lieutaud, 0,4 km pour la Canebière, 0,3km devant les catalans et 0,2 km sur la Blancarde… soit 9,5km tout rond.
Pour l’action 2, à savoir le réseau secondaire, rien aujourd’hui n’a encore été annoncé alors que nous sommes à mi-échéance du plan vélo. C’est pourtant ce que vous, cyclistes, attendez sans doute en bas de chez vous : le double-sens cyclable qui évite de faire 1km de détour, le sas vélo qui vous place en sécurité, la piste cyclable de quartier qui va bien, le cédez-le-passage-au-feu-cycliste dont l’absence vous exaspère. Il y aura peut-être quelque chose de neuf au prochain conseil de la métropole à ce sujet.
Afin pour l’action 3 et l’offre de stationnement sécurisé, on a pu effectivement voir l’apparition depuis deux ans de plusieurs consignes à vélo collectives à La Fourragère, La Rose, La Valentine et Sainte-Marguerite mais également dans trois parkings relais et même à la gare Saint Charles (!), pour un nombre d’emplacement dépassant les 200 places pour Marseille.
Certains pourront dire que
le Colletif Vélos en Ville avait déjà inauguré le premier en 2015 mais ici on parle de nouveaux systèmes. D’autres pourront dire que cette action avait déjà été voté un an avant le plan vélo en conseil métropolitain. Néanmoins, sachant que les objectifs initiaux du plan vélo étaient de 3 600 places pour 2024 pour l’ensemble de la métropole et d’environ 1000 à Marseille on peut dire que cette action est sans doute une de celles qui avance le plus vite avec ses 20 % d’avancement.
Au sujet des services véloCette catégorie d’action « services vélo » regroupe les actions 4, 5, 6, 7, 8, 10 et 13.
Action 4, des services en gare : Le plan vélo nous indique qu’il existe déjà au moment de la rédaction de celui-ci, 9 espaces boutiques Mobilité. À Marseille cet espace boutique a, disons-le, quelques difficultés à trouver son public.
L’action 5 et le développement de l’intermodalité dans les transports en commun entérine une pratique déjà actée sur le territoire français à savoir le transport des vélos pliants qui sont considérés (même dans les TGV) comme des bagages à main. Rien de neuf donc de ce côté-là. En revanche des expérimentations sont belles et bien actuellement menée pour l’emport des vélos avec de nouveaux dispositifs d’embarquement dans les cars. Un bon point de ce côté-là !
L’action 6 et l’aide à l’acquisition de vélo à assistance électrique était déjà effective depuis le 1er janvier 2019 et donc avant le plan vélo et elle est opéré par le conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Rien de neuf de ce côté-là, non plus.
L’action 7 et le service de location de vélo longue : C’est sans doute l’évolution la plus notable de tout le plan vélo. Un système de location de vélo longue durée, appelé Le Vélo+, a été mis en place et nous vous invitons à le découvrir, si ce n’est pas déjà le cas :
https://www.leveloplus.com/ . Ce sera peut-être l’occasion pour vous de pouvoir tester un vélo-électrique. Malheureusement et contrairement à nos recommandations, vous ne pourrez pas essayer un autre type de vélo, la métropole partant du principe que seul le vélo électrique est imaginable sur notre territoire.
L’action 8 et la nouvelle offre de vélo en libre-service sur Marseille se résume à un marché public qui est en passe d’être renouvelé pour faire passer ce service a du tout électrique. Le lecteur se fera sa propre idée quant à la pertinence de ce changement au regard de la nouvelle grille tarifaire. On entend déjà les nostalgiques de ce velib’ marseillais première génération. On entend aussi les autres qui depuis plus de dix ans explique que ce service siphonne la plus grande partie des enveloppes vélo.
L’action 10 et le dispositif partenarial de lutte contre le vol de vélo, est actuellement en cours et nous vous invitons également à le découvrir :
https://www.velosenville.org/index.php/1896-on-vous-offre-des-marquages-bicycode-gratuitL’action 13 et les nouvelles fonctionnalités vélo au sein de l’outil de mobilité métropolitain se résume à vous proposer une application de guidage, nommé géovélo (cocorico!), qui se base sur les données openstreetmap que votre association, le Collectif Vélos en Ville, entre autre, met à jour continuellement depuis dix ans :
https://www.velosenville.org/index.php/amenagement-cyclable/1828-l-association-vous-livre-la-carte-des-amenagements-cyclables
Des actions pour le changement des comportementsCette catégorie d’action «changement des comportements» regroupe les actions 9, 11, 12, 14 et 15.
L’action 9 en faveur de l’éco-mobilité est actuellement au point mort mais devrait renaître de ses cendres.
L’action 11 pour le développement du cyclotourisme est sans doute une des actions des plus nébuleuse et il est aussi difficile de comprendre ses objectifs que de voir ses réalisations. On en conclura donc qu’il ne faut pas s’attendre à une grande révolution alors que nous plaidons depuis de nombreuses années pour la réalisation de la véloroute 64 et 65 qui passent toutes les deux par Marseille.
L’action 12 pour la sensibilisation au partage de l’espace public est sans doute une des actions les plus attendues par les cyclistes marseillais.e.s qui doivent se battre quotidiennement, mais elle est également celle qui effraie le plus les élus à être mise en place. Pas étonnant donc que rien n’ait été fait jusque-là. Quant à son pendant sur l’encadrement des nouveaux services tels que les trottinettes, il semble qu’à l’heure actuelle, celui-ci soit pris en charge par les communes.
L’action 14 concerne la réalisation d’un guide technique des aménagements cyclables. Celui-ci a fait l’objet d’une consultation auprès de notre association et nous avons émis des avis sur son contenu. Néanmoins l’essentiel de notre contribution s’est bornés à dire que nous n’avions pas à réinventer l’eau chaude et que donc il suffisait de se baser sur les recommandations du CEREMA en la matière. Peu de nouvelles depuis.
Enfin l’action 15 concerne le soutien aux activités des associations spécialisées dans le vélo et cette action était déjà effective avant le plan vélo pour votre association et l’est désormais pour d’autres sur le territoire métropolitain. Ce sont ces associations qui œuvrent au quotidien pour le changement des comportements.
Résultats et conclusionsNous avions par le passé déjà dénoncé pour le précédent schéma directeur des modes doux du précédent PDU, les 220 millions d’euros de la période 2013 -2020 qui n’ont jamais été dépensés :
https://www.velosenville.org/index.php/amenagement-cyclable/1576-que-faut-il-penser-du-plan-de-deplacement-urbain-metropolitain-pdumAu rayon des promesses jamais tenues, nous avions également documenté celles-ci dans cet article :
https://www.velosenville.org/index.php/ecomobilite/1182-le-velo-rentre-dans-le-jeu-et-marseille-reste-sur-la-toucheDésormais, fin 2021, à mi-parcours, le plan vélo ne déroge pas aux différentes règles locales.
Premièrement, il est en dessous des objectifs qui devraient être les siens et figurant dans le Plan de Déplacement Urbain qui est en train d’être adopté. Vous pouvez
lire nos commentaires sur celui-ci et ses objectifs dans cet article.
Deuxièmement, ce plan vélo est très en retard sur ces objectifs pourtant peu ambitieux.
Pour les infrastructures, seulement 9,5 km de lignes vélo sécurisées ont été réalisés depuis juin 2019 sur les 88,2 km prévus pour 2024 soit 10,8 % d’avancement. Mais sans doute que le plus inquiétant est le fait que quasiment tous ces aménagements avaient déjà été étudiés et actés avant le plan vélo, ce qui veut dire que leur nombre n’augmentera sans doute plus beaucoup d’ici 2024, puisque qu’un seule à vrai dire est actuellement en cours.
A cela s’ajoute que le réseau secondaire est actuellement au point mort, soit 0 % d’avancement.
Quant au stationnement, il ne s’adresse aujourd’hui principalement qu’aux utilisateurs des transports en commun, comme si on voulait faire du report modal depuis le vélo vers les transports en commun. C’est toujours moins bête que de mettre des parking voiture à la place mais vous qui attendiez un arceau en bas de chez vous, vous pouvez bien attendre. Et vous êtes nombreux et nombreuses. Résultat 20 % d’avancement.
Du côté des services, avec 3,5 actions réalisées sur 7 depuis 2019 (nous ne comptons pas les actions réalisées avant le plan vélo) on obtient une réalisation à 50 %, ce qui était le but à atteindre. La situation est donc moins dramatique, mais l’horizon n’est pas moins ombragé, car ce chiffre n’augmentera pas davantage puisque le reste des actions était déjà réalisé avant le plan vélo et ne peuvent être comptabilisées. Ce résultat n’est pas particulièrement étonnant puisque comme nous l’avons déjà écrit, il est en effet plus facile pour la métropole de mettre en place des services pour lesquels personne ne trouvera rien à redire, que des pistes cyclables qui ont la fâcheuse tendance à prendre de la place sur une voirie aujourd’hui réservée aux voitures.
Enfin, pour les actions dites de « changement des comportements », avec seulement 1,5 action sur 5 d’effectuées, nous obtenons un avancement des réalisations de 30 %. Ce chiffre n’augmentera sans doute que de quelques points à l’horizon 2024 et il faudra sans doute attendre encore un peu que les comportements changent tout seul avant que ces actions ne puissent avancer.
Si on pondère ces actions pour refléter leurs impacts, en donnant plus de poids aux infrastructures c’est-à-dire le réseau de lignes sécurisées (10) et le réseau secondaire (10), puis au stationnement sécurisé (4) et aux services (4) puis au changement des comportements (1), on obtient un avancement du plan vélo à hauteur de 14,4% au lieu de 50 % à mi-parcours, en décembre 2021.
Le résultat est donc loin d’être mirobolant, mais le plus inquiétant est que la marge de progression est aujourd’hui très restreinte et il sera très difficile de voir ce plan vélo atteindre 30 % de ses objectifs à l’horizon 2024.